80 ans de la libération de l’Alsace, un article de ICI (France Bleu et France 3)

À la Libération, en 1944 et 1945, beaucoup de foyers alsaciens étaient déchirés entre la joie d'être délivrés du joug nazi et l'inquiétude liée à l'incorporation de force de membres de la famille.
Une ambivalence que nous raconte Gérard Michel dont le père et le grand-père étaient Malgré-Nous.

Quand Gérard Michel parle de ses deux Émile, son père et son grand-père, il ne peut s’empêcher de sangloter. Son père ne l’a jamais connu. Le président de l’association des orphelins de pères Malgré-Nous d’Alsace est né juste après la Libération de Strasbourg, dont on célèbre les 80 ans en novembre 2024. Émile venait d’être incorporé de force dans la Wehrmacht, il a trouvé la mort en Pologne. Gérard a été élevé par son grand-père, un bistrotier de Schiltigheim qui lui a beaucoup parlé de la Libération de Strasbourg et de l’arrivée des blindées de la 2e division blindée, le 23 décembre 1944.

Gérard Michel raconte qu’Émile avait été enrôlé de force dans la police allemande et que, ce 23 novembre, il devait prendre son poste au commissariat de Cronenbourg à Strasbourg : « Il est allé à son travail comme il le faisait d’habitude à vélo et il avait bien sûr l’uniforme de la police sur le dos. Et quand il était arrivé là-bas, son collègue, un Berlinois, lui a dit ‘Émile, rentre chez toi, les Américains arrivent !’ Et donc, ni une ni deux, il a pris son vélo. Il est rentré à Schiltigheim et, place de Haguenau, il a croisé les chars, mais heureusement, de l’autre côté. Ils ne l’ont pas vu ! Parce qu’il était en uniforme, ils auraient pu lui tirer dessus. Alors quand il est rentré dans son petit bistrot au canal, il y avait tous ses copains, des gens qui faisaient la fête. Il s’est déshabillé, il a brûlé son uniforme, c’était la joie dans son petit restaurant, tournée générale gratuite et puis ils ont fêté la Libération« .

Le père incorporé de force, onze jours avant la Libération

Difficile de savourer la libération quand des proches ont été incorporés de force dans l’armée allemande et se trouvent sur le front de l’Est. Le père de Gérard, l’autre Émile, venait d’être enrôlé dans la Wehrmacht. « Il y avait quand même mon père qui manquait, qui avait été enrôlé le 12 novembre, 11 jours avant la libération« , raconte Gérard Michel, « Il y avait cette incertitude. La plupart des familles étaient touchées par cette incorporation. Il y en a qui étaient incorporés depuis bien longtemps. Mon père était parmi les tout derniers qui sont partis dans le train en direction de Weimar. Alors évidemment, ça, c’était une chape de plomb qui était retombée sur l’Alsace assez rapidement après les premiers émois. S’il est parti, c’est pour les protéger : ma mère était enceinte, elle était au 8ᵉ mois, moi, je suis né un mois après et donc elle était intransportable« .

« Ce qui était terrible« , ajoute encore Gérard Michel, « c’était la fameuse Sippenhaft, c’était une loi absolument horrible qui condamnait toute la famille dès que la désertion ou le côté réfractaire d’un incorporé de force était avéré. Le lendemain, un camion arrivait et emmenait toute la famille« .

Émile n’est jamais rentré en Alsace. Il s’est rendu aux Russes avant de mourir en Pologne. Cinq de ses cousins incorporés de force ont, eux aussi, trouvé la mort sur le front de l’Est.

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