Sur les plaines et les steppes de l'Est, les âmes silencieuses de nos héros veillent...
Il est une catégorie que nous devons particulièrement honorer, les 285 réfractaires assassinés par la folie nazie.

285, quel terrifiant fichier, des visages indignés, des photographies jaunies par le temps et les larmes, pourtant ils étaient bien vivants et jeunes nos héros Alsaciens et Mosellans, ceux qui avaient osé refuser l’ordre imposé. A la moindre incartade ils étaient fichés et refoulés sur le banc des accusés, ils avaient le choix, soit ils signaient l’engagement chez les Waffen SS ou le camp de Schirmeck les attendait à bras ouverts. La liste des 285 enfants des Marches de l’Est témoigne de leur martyr, cette liste est loin de les rassembler tous, elle nous rappelle la période la plus humiliante que notre province ait subi. Jugés par les tribunaux d’exception, condamnés et exécutés à la chaîne, les réfractaires et les évadés de l’armée ennemie ne devront jamais se perdre dans les méandres de la mémoire. Fusillés, pendus ou guillotinés, leurs jeunes vies offertes sur l’autel de la barbarie feront pleurer à jamais les parents et les habitants de notre belle région. Dilués parmi les 40 000 victimes de l’incorporation de force, leur nombre risquait de passer inaperçu dans l’océan de douleur de la seconde guerre mondiale en Alsace Moselle.

En ces jours terribles des évènements en Ukraine.

Des noms propres reviennent à nos souvenirs, Kiev, Karkov, Minsk, Lugansk, Odessa, Lvow, autant d’endroits où sont tombés, peut-être enterrés nos pères. L’histoire est un éternel recommencement et les mémoires se superposent inéluctablement depuis le passage de nos grands-pères. On pourrait remonter jusqu’à Attila voire plus loin pour constater la cupidité des hommes et leur pire défaut, la guerre. Espérons que ce conflit trouve une fin honorable pour les deux parties sans exiger un sacrifice de vies et d’espoirs déçus.

Notre fidèle ami et chercheur Claude Herold vient de terminer un travail de bénédictin, il a rassemblé les 14 000 victimes disparues Alsaciennes et Mosellanes depuis le fichier de la Croix Rouge Allemande. Un travail de titan pour identifier les victimes de notre région au milieu des 1 500 000 victimes revêtues de l’uniforme de la Wehrmacht. Nous allons faire imprimer ces noms et leurs photographies sur sept banderoles solides et longues de sept mètres chacune, sur une hauteur de 1 mètre 20. Une façon détournée d’avoir notre Mur des Noms en version souple et transportable. Nous pourrons emporter nos « chers disparus » en toutes occasions sans demander l’autorisation de telle ou telle autre chapelle et nous brandirons fièrement les photos de ces jeunes gens sacrifiés sur l’autel de la barbarie humaine et éternelle. Que cela plaise ou non, nous brandirons leurs noms innocents, en souvenir de leur sacrifice suprême. Trente cinq mètres de noms avec leurs photographies, en mémoire de ceux dont nul ne sait où ils sont morts, ni où repose leur pauvre dépouille, nous leurs devions au minimum cette démarche pour faire l’espace d’un instant un clin d’œil à leur mémoire.

Un autre projet prend forme, nous réaliserons ce fichier sous forme papier pour ceux d’entre nous qui en voudraient un exemplaire. Le hasard a voulu que nous sommes à présent les dépositaires de quelques témoignages de nos anciens qui ont pu rédiger leur mémoire de cette triste période. Souvent les camps de Tambov ou celui de Vitebsk ont durablement marqué nos héros silencieux, leurs témoignages sont poignants et sortis tout droit de l’enfer. Nous réfléchissons en ce moment pour trouver un moyen de les éditer, rassemblés en un recueil des témoignages des survivants de l’horreur d’une guerre à nulle autre pareille.

Gérard MICHEL, Président, et les membres du comité de l’OPMNAM.